Terrence Malick, du mouvement, de la nature, du cinéma

Publié le par JubilArt

 

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      Depuis quelques temps maintenant, votre dévoué serviteur s'est plongé et replongé dans l'oeuvre de Terrence Malick, ce cinéaste génial et mythique, ombre mystique d'Hollywood, un des grands réalisateurs du siècle passé et d'aujourd'hui avec Stanley Kubrick, partageant avec le tyran maniaque et surdoué le goût du secret. Dans quelques mois va sortir son prochain film, The Tree of Life, qui s'annonce déjà comme un chef-d'oeuvre, réunissant au casting Brad Pitt, Sean Penn, et Jennifer Chastain.

      Malick n'a réalisé que cinq films : Badlands (1973), Les Moissons du Ciel (1978), La Ligne Rouge (1998), Le Nouveau Monde (2005), et donc The Tree of Life (2011). Il est important de mentionner que Malick fut l'élève de Stanley Cavell, un des plus grands philosophes du cinéma qui écrira par la suite sur Malick, et que Terrence Malick lui-même enseigna la philospohie au MIT.

     Deux films ont retenu notre attention. Nous débuterons par Les Moissons du Ciel, chef-d'oeuvre agreste qui mêle réflexion sur le cinéma et sur les passions de l'homme qui transite du monde industriel à la nature. Le film débute par 24 photographies du début du 20e siècle qui ont pour sujet la vie urbaine et industriel. 24 photographies comme les 24 images/secondes du cinéma mais ici séparées et démeurées fixes. Le film met en opposition l'industrialisation et le retour à la nature à partir de la mise en mouvement. Le film commence par le cadre fixe des photographies avant de se mettre en mouvement (le principe cinématographique, la mise en mouvement des images fixes), mise en mouvement qui coïncide avec la mise en mouvement des personnages qui retourne à la nature. Cette mise en mouvement devient donc le symbole d'une nouvelle réflexion et d'un changement de vie pour l'homme (tout comme le cinéma fut un changement de réflexion pour l'Art) qui quitte le cadre "fixe" de l'urbanité pour le mouvement libre de la nature. La question est: quel est le rôle joué par la nature dans le film? Est-elle une métaphore des passions humaines? Ou alors est-elle simplement indifférente, indifférente aux agissements passionnels de l'homme?

   Les Moissons du Ciel vaut aussi pour une des plus formidables photographies que le cinéma n'ait jamais montrées, celle de Nestor Almendros qui commençait à devenir aveugle durant le tournage. Tout le film est filmé lors de ce que l'on nomme "l'heure bleue", celle où le soleil a disparu mais que le ciel reste toujours coloré d'une fusion de lumières et de couleurs incroyables.

 

 

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    Ce fut ensuite une plongée dans La Ligne Rouge, la pièce maitresse du réalisateur, film sur la terrible bataille de Guadalcanal dans le Pacifique, mais surtout sur l'absurdité de la guerre. Se développant suivant le principe cher à Malick, la polyphonie, les voix des héros s'entremêlent jusqu'à ne former plus qu'une seule voix, celle de l'homme confronté à la mort et au désastre dans une nature luxuriante et près d'autochtones qui n'ont absolument rien demandé. Gene Siskel a écrit que ce film était " le plus grand film de guerre contemporain que je n'ai jamais vu". Je rajouterai aussi que la musique est une des plus qu'il ait eu (Merci Hans Zimmer). De l'image du crocodile à celui de la plante surgissant au milieu du sable dans la mer, le film s'impose comme une réflexion et une métaphore de la vie, du vivre et mourir en temps de guerre au vivre et mourir en général, du prédateur à la vie qui voit les éléments déchainés autour de lui. Qu'est-ce qui fait de nous des hommes quand on cherche à se détruire? D'où vient le mal qui nous pousse à tuer notre semblable? Comment dépasse-t-on la frontière de l'homme au barbare, cette fameuse ligne rouge, cette frontière entre l'équilibre de vie chez les mélanésiens et le déséquilibre furieux de la guerre? Le film montre cette opposition entre la guerre et la nature, et la course de l'homme sur cette ligne rouge, toujours près à tomber d'un côté ou de l'autre. Et à la fin, l'ennemi, bien que japonais, est aussi un homme mû par la peur et l'angoisse, saisi par les mêmes questionnement sur la chemin sineux et ombrageux de la vie. L'ennemi n'est pas extérieur à nous, mais en nous. La quête est alors en soi, vers la libération du mal qui passe par la pulsion de mort, la réconciliation avec soi-même en découvrant l'autre monde, en passant la dernière frontière, la dernière ligne rouge, celle entre la vie et la mort. L'équilibre se rétablit, de la vie à la mort, de la mort à la vie (la plante émergeant de l'eau), la dernière voix-off du film terminant par ces mots : "De la lumière au ténèbres, de l'amour au conflit, ce sont les œuvres d'un même esprit.  Ô mon âme, recueille moi maintenant, regarde à travers mes yeux les choses que tu as crées, tout est lumineux".

 

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The Tree of Life saura-t-il développé des réflexions aussi fortes sur le sens de la vie? La bande-annonce nous laisse espérer d'un grand film sur le destin de l'homme.

 

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   Bientôt un compte-rendu de voyage en Turquie. Des couleurs, des saveurs, des odeurs, d'Istanbul à la Cappadoce, de la ville cosmopolite à la nature qui devient architecture, un voyage dans une culture et une gastronomie.
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